Peut-on innover en termes de compétitivité nationale dans l'économie mondiale ? C'est ce que souhaiterait notre ministre du redressement productif, c'est ce que démontre la Chine, selon la dernière livraison de China Economist (Vol. 7, nº 6, novembre-décembre 2012), revue de la très influente Académie des sciences sociales de Chine.
Son éditorialiste, Jin Bei, met en avant le rôle capital du foncier dans l'essor chinois : la Chine a capté la technologie étrangère par une "utilisation maximale des facteurs immobiles pour attirer les facteurs mobiles".
Sans états d'âme quant aux "immobiles", avec des ouvriers soumis à un "faible droit du travail" et surtout avec un accès quasi gratuit au foncier "protégeant faiblement les ayants droit" (paysans, urbains pauvres), c'est ainsi que la Chine a pu attirer "autant de capital en si peu de temps".
Sur le fond, ce choix de favoriser "deux facilités que les autres pays ne peuvent copier" est une logique d'avantages absolus, et non comparatifs, comme le préconise la théorie du commerce international. Il remet aussi au goût du jour le "facteur sol", délaissé depuis Adam Smith. Et le succès de cette stratégie, qui a porté la Chine en tête dans de nombreuses industries, indique qu'il s'agit surtout d'"avantages construits" dont la théorie minimise en général la possibilité... Bref, on peut soutenir que la Chine a déjà innové dans la première étape de sa globalisation.
AMORCER LA SECONDE GLOBALISATION
Mais selon un autre contributeur, Liu Zhibiao, le pays doit maintenant amorcer sa seconde globalisation, en "gouvernant les relations avec ses partenaires autour de son économie domestique". Prenant le contre-pied de la thèse de la désindustrialisation occidentale, Liu Zhibiao soutient que la Chine assure en réalité le financement direct et indirect de la transformation économique des pays riches.
Le généreux accueil des investissements en Chine accélérerait surcompétition et profits décroissants pour les entreprises chinoises, alors que les économies de formation de capital fixe, permises par l'effort chinois de production industrielle, permettent à l'Occident de favoriser sa spécialisation vers des activités à haut rendement, l'innovation chinoise domestique étant très peu protégée d'une innovation étrangère financée par un dollar tenu à bout de bras par les excédents chinois !
Qu'on partage ou pas cette analyse, l'agenda prôné par Liu Zhibiao est clair : une seconde globalisation autour du marché chinois - et non plus de sa base productive - dont l'attractivité permettrait, sans même construire d'avantages comparatifs, "d'utiliser les facteurs avancés incluant la technologie, les savoirs et les talents occidentaux pour construire la compétitivité propre de la Chine".
Liu Zhibiao parle élégamment "d'effet siphon de la taille du marché chinois pour servir l'élévation industrielle de la Chine". Et pour lever tout doute quant à l'objectif final, "cela prendrait moins de temps à la Chine de surpasser les pays développés" par ce biais.
Ce qui est bon pour la Chine n'est-il d'ailleurs pas bon pour le monde ? "Si les pays occidentaux devaient plonger dans une longue récession et si leur capacité à utiliser les facteurs avancés devait décliner", alors "la globalisation ne serait pas durable"...
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